Soulever le voile de son univers

Et voilà, déjà deux mois se sont écoulés depuis mon dernier article dans la Galère. Peu de nouvelles écrites, aussi. Mais ce n'est pas grave ! J'ai eu tendance à culpabiliser de ne pas écrire, mais entre le boulot qui m'a bouffé tout mon temps et les fêtes de fin d'année, c'était compliqué de trouver le temps. Malgré une pause de deux semaines, j'ai au moins gardé le rythme au niveau des tweets publiés chaque jour, et donc, un petit contact avec l'écriture.

Si j'écris aujourd'hui, c'est pour parler de la construction d'un univers, celui du récit dont parlent les réflexions de la galère. Dès lors qu'on écrit dans l'imaginaire, il faut poser des règles. Tout le monde nous le dit. Qu'elles tiennent sur un pense-bête ou dans 300 pages Word, vos règles doivent être claires et vous suffire. Juste avant ma pause hivernale, je me suis plongé corps et âme dans la construction de l'univers des asthénites. Suivant les conseils de plusieurs narrateurs du web, j'ai développé sur plusieurs jours une bible dense, de plusieurs dizaines de pages, qui s'agrandira au fil de mon écriture. Les mois qui se sont écoulés sans y toucher m'ont permis de prendre du recul, et de digérer la bible. Peut-être créerez-vous, vous aussi, votre univers, et si j'avais un conseil à vous donner, c'est de ne pas vous perdre.

Plonger dans son univers, c'est comme être un astronome qui regarde à travers la lunette de son télescope. On soulève un voile, et on accède à des possibilités infinies. Mais n'oubliez surtout pas pourquoi vous êtes là : pour raconter une histoire. L'univers est important, mais il vaut mieux une histoire bien ficelée et un univers basique, qu'un univers richissime et une histoire plate.

C'est pour cela que j'ai pris quelques semaines de pause sur la galère. J'avais tellement densifié mon univers qu'il me semblait plus intéressant que le récit lui-même ! Finalement, je viens de m'y remettre. La bible est solide, j'ai eu quelques idées pour la rendre encore plus liée à mon récit, et j'ai pu reprendre tranquillement mon récit pour qu'il s'accorde mieux à ma bible, et essentiellement, qu'il raconte quelque chose.

Avant de développer son univers, il est donc super important d'avoir un récit en tête, avec un objectif, pour éviter de se perdre : que voulez-vous raconter ? Pourquoi ? Comment voulez-vous que votre histoire s'achève ? Pourquoi ? Voyez ensuite en quoi votre univers propulse votre récit. Développez votre univers autour de votre récit, et pas sur votre récit. Ma bible était un peu trop dense, elle développait des points qui n'étaient pas nécessaires au récit. Ça peut être intéressant, mais il ne faut pas que cela vous prenne plus de temps que nécessaire.  

Déterminez également le degré d'incrédulité que vous attendez de vos lecteurs.  Si un récit est illogique, il doit l'être de bout en bout, cela lui donnera au moins une certaine unité. S'il est complètement « scientifico-rigide », ne laissez rien passer.

Je crois qu'on appelle cela le paradoxe des Grands Aigles. Pourquoi Gandalf n'a-t-il pas simplement appelé les Grands Aigles pour amener l'Unique au Mordor ? Bon déjà parce qu'ils ne s'appellent pas comme de vulgaires animaux de compagnie, je sais. Aussi, les Nazgûl les auraient attaqués, l'œil de Sauron les aurait repérés, sitôt leur arrivée au Mordor. Mais bon avec l'intégralité de la Terre du Milieu qui risque d'être détruite, ils auraient pu s'activer un minimum… Bref, c'est autant aux lecteurs qu'à l'écrivain d'expliquer tout cela, ou du moins de l'ignorer. Si le récit est bon, la lectrice se chargera d'elle-même d'expliquer ou d'ignorer les quelques incohérences.

De mon côté, j'ai décidé d'écrire bible et récit dans un univers le plus cohérent possible, tout en me laissant quelques libertés. Je pense que c'est important, et que j'aurais dû me dire cela plus tôt : ça m'aurait évité des arrachages de cheveux sur des petits paradoxes de l'univers qui remettaient en question l'intégralité de mon travail. Il peut y avoir des paradoxes, ce n'est pas grave, tant qu'ils ne viennent pas contredire absolument le récit.

Et encore une fois, n'allez pas trop loin. Développez autour de votre trame. La bible doit être la béquille du récit, pas l'inverse. Répondez aux questions qui intéressent le lecteur. Répondez à vos propres interrogations. Surtout, avancez votre bible au fil de votre récit, pas trop en amont.

Moi, de mon côté, je peux enfin reprendre ma lunette astronomique, et cibler précisément ce que je veux. Maintenant que j'ai déterminé mon univers observable, je peux saisir les astres qui m'intéressent, pour continuer de tirer le fil stellaire de mon histoire.